Bonjour Lili Bulle. De quoi allez-vous nous parler aujourd’hui ?
LB : Je vais vous parler de la procrastination et de ses rapports tumultueux avec la peur de l’échec.
Oui bien sûr… Nous remettons au lendemain car nous avons peur de rater !
LB : Si nous avons peur de l’échec aujourd’hui, pourquoi en serions-nous délivré demain ?
J’avoue que je ne sais pas.
LB : Pour expliquer les relations difficiles qu’entretiennent la procrastination et la peur de l’échec, j’aime parler du paradoxe du prophète.
Que vient faire l’oracle dans cette histoire ? Je ne vous savais pas superstitieuse, Lili Bulle ?
LB : Imaginez que vous êtes prophète.
Ça m’est difficile, mais si vous insistez.
LB : Vous avez deux types de prophètes, ceux qui sont spécialisés dans la fin du monde, comme Nostradamus ou Ezekiel et d’autres, qui se manifestent plus volontiers en temps de disette, dont le fond de commerce est l’espoir et qui prophétisent l’avènement d’un monde meilleur. Vous avez donc des prophètes pessimistes et des prophètes optimistes.
Jusque là, je vous suis mais je ne vois pas le rapport avec la procrastination.
LB : Avez-vous déjà entendu parler des prophéties auto-réalisatrices ? Toutes les diseuses de bonne aventure connaissent bien ce phénomène sans lequel elles seraient très vite contraintes de fermer boutique. Le fait d’énoncer une prophétie focalise les esprits sur ce qui n’est au fond qu’une hypothèse parmi d’autres. Une fois clamer à la foule, un scénario catastrophe initialement complètement tiré par les cheveux, en modifiant les comportements, est susceptible de se réaliser. Dans la loi de Murphy, plus connue sous le nom de Loi de l’Emmerdement Maximum (LEM), « Tout ce qui est susceptible de mal tourné, tournera nécessairement mal ». Nous sommes d’accord que cette loi ne décrit pas la réalité.
Je ne comprends pas. Je suis désolé.
LB : Tant que personne n’en eu l’idée et qu’elle n’a pas été communiquée, la fin du monde n’existe pas.
Elle n’existe pas plus, une fois prophétisée ! Ce n’est qu’une superstition.
LB : Une prophétie n’est qu’une superstition, tant que vous ne prenez pas en compte l’élément psychologique qui, lui à la différence de la loi de Murphy, peut être considéré comme une constante, constante que nous nommerons « Constante de perception ». Quand tout à coup, un oiseau de malheur prévoit la fin du monde, la simple énonciation de l’hypothèse, en modifiant votre perception, génère un stress qui fera qu’à la première difficulté vous allez vous dire : « Et voilà … La fin du monde est proche ! », vous allez donc stressé de plus et en plus, et par la loi du « Qui stresse foire tout », vous commettrez de plus en plus d’erreurs jusqu’à aboutir enfin à la fin du monde annoncée.
Je n’ai jamais entendu parler de la loi du « Qui stresse foire tout » ?
LB : Elle est pourtant très connue et vous l’avez sans doute expérimentée de nombreuses fois. A partir d’un certain niveau de stress, vous foirez tout ce que vous faites. Au-delà du niveau de stress que vous parvenez à gérer, vous perdez vos moyens et vous vous retrouvez au-delà du champ d’application de la loi du « Tout se passera bien », et donc sous le coup de la loi du « Qui stresse foire tout ».
À partir de quel moment, passons-nous du champ d’application de la loi du « Tout se passera bien » à celui de la loi du « Qui stresse foire tout » ?
LB : Au delà de la constante du « J’en ai marre ! », vous passez dans le champs d’application de la loi du « Qui stresse foire tout »
Je comprends. Par contre, je ne vois pas le rapport avec la procrastination !
LB : Le procrastinateur anxieux est un prophète pessimiste que ses propres prophéties effrayent. Une fois qu’il s’est dit « Je n’y arriverai pas », bien souvent avant même de commencer, il passe sous le coup de la loi du « Qui stresse foire tout ». Et comme il stresse, il est tenté d’oblitérer la source de son stress en se cantonnant à des activités non stressantes qui lui font prendre du retard, et qui augmentent donc son niveau de stress et ainsi de suite et quand il passe enfin à l’action, il est tellement stressé qu’il foire tout.
Il active le mode « Politique de l’autruche » et passe sous coup de la loi du « Qui stresse foire tout » !
LB : Voilà !
Comment faire ?
LB : Il est impossible de prévoir exactement ce qu’il va se passer. Donc quand on élabore une prévision, on met en place un « Worse Case » – Pire des cas (dans lequel on prend en compte la loi de Murphy) – et un « Best Case » – Meilleurs des cas – , en sachant que la réalité se situera quelque part entre ces deux bornes. Le but d’une prévision est de délimiter un champ de possibilités afin de mettre en place la stratégie qui permettra d’éviter le pire des cas. Vous me suivez ?
Oui.
LB : Si vous n’élaborez que le pire des cas, (si vous prenez la loi de Murphy pour une loi universelle alors qu’elle n’est censée s’appliquer que dans l’élaboration d’un worse case) … vous ne délimitez pas de champs des possibilités et vous perdez de vue que la réalité peut prendre un autre chemin. Vous quittez le champ de la prévision pour mettre un pied sur le dangereux terrain de la prophétie auto-réalisatrice. Après avoir prédit plusieurs fins du monde qui se sont effectivement réalisées, même seulement en partie, vous vous sentez investi d’un super pouvoir. Vous êtes alors un prophète confirmé.
Et vous pensez que tout ce que vous prédisez se réalisera.
LB : Vous avez sérieusement réduit le champ de vos possibilités.
La peur de l’échec cause l’échec.
LB : Peur de l’échec ou peur de réussir ? Quand vous vous sentez investi d’un super pouvoir, vous avez l’impression de contrôler. Vous vous dites : « J’ai encore foiré mais je l’avais prévu ». D’une certaine manière, vous êtes aux manettes. Admettons que vous réussissiez alors que vous ne l’aviez pas prévu ; la réussite qui est pourtant une bonne nouvelle se révèlera angoissante parce que vous ne l’aviez pas prévue et vous aurez l’impression de perdre le contrôle des évènements. Le pire des cas n’est jamais décevant. Le meilleur des cas quand il n’est pas prévu peut être perçu comme un accident de parcours anxiogène.
Quelle horreur !
LB : Vous êtes du genre à ne prévoir que des fins du monde ?
Ça peut m’arriver…
N’oubliez pas de prévoir de réussir, cela fera baisser votre anxiété face aux situations et si vous réussissez, rien ne viendra ternir votre bonheur, certainement pas la perte d’un contrôle illusoire. Bon, je dois vous laisser, je dois élaborer un « Worse Case » pour le lancement d’une nouvelle formation.
Seulement le pire des cas ?
LB : Non, j’ai déjà élaboré le meilleur des cas, il est beaucoup plus simple à imaginer. Quand tout se passe bien, il n’y a aucun obstacle à prévoir et à éviter.
Bon, je vous dis donc à demain, Lili Bulle.
LB : A demain, dans le meilleur des cas !
Alors, à dans la semaine, Lili Bulle.
LB : Ciao. Ne bullez pas trop !